L’eau est si rouge par ici. Tout cela est bien étrange. Vous entendez crier derrière vous et vous retourner. Une tête et un nez énorme vous font face. « Coupez-lui la tête ! » Du sang vient gicler provenant de la main de la Reine Rouge pointant son doigt crochu sur vous. Ses sbires ne tardent pas à arriver. Pris de stupeur vous tomber dans les eaux troubles de la rivière de sang et vous évanouissez dans votre dérive. Les cauchemars vous submergent. Assis dans une barque avec le lapin blanc, une tasse de thé à la main, tout semble pourtant bien se passer, jusqu’à ce que l’eau redevienne rouge et que la tête du lapin blanc explose en mille morceaux. Vous êtes happé par les eaux et vous retrouvez au dernier endroit que vous avez foulé avant votre arrivée à Wonderland.




Elle était effrayante. Sa voix, son visage, son corps étaient effroyables tout comme ses paroles. J'allais donc perdre la tête au sens propre après avoir échappé à la perdre au sens figuré. Bien que je pensais toujours rêver, je pris peur et me mis à courir à une allure que j'aurai crue irréalisable. L'instinct de survie ... Voilà ce qu'il se passait. Je courrais pour échapper à la Reine. Je courrais pour échapper à ses sbires. Je courrais pour survivre. En me retournant pour connaitre la position des soldats de la Reine, je tombai dans la rivière rouge qui affluait autour du château de la Reine Rouge. Elle était d'un rouge vif, d'un rouge sang. Le courant était beaucoup trop fort pour nager et finalement, j'atterris dans une barque. Je pensais être tiré d'affaire, mais ce n'était pas le cas : le lapin blanc qui m'avait amené à Wonderland, vint à exploser sous mes yeux. Son sang gicla aussi bien sûr mon visage que dans la rivière rouge et, c'est à ce moment précis que je compris qu'elle était couleur rouge sang tout simplement car elle n'était que du sang. Du sang d'animal, de personnes, d'êtres extraordinaires et que sais-je encore. Du sang d'innocent. C'était l'oeuvre de la Reine Rouge et mon tour allait passer. J'allais donc mourir, perdre la tête, perdre la vie. Mais je ne comptais pas perdre pour autant. J'allais me battre, jusqu'au bout. Ce n'était pas moi qui venait de signer son arrêt de mort, mais la Reine Rouge. Je pris alors une longue inspiration; et fermai les yeux pour réfléchir à ce que j'allais faire. En les ré-ouvrant, je me retrouvai sur mon lit, dans ma chambre, sain et sauf. Enfin presque.
Je ne comprenais plus rien. Plus j'essayais de comprendre, moins je comprenais de choses. C'était donc un rêve ... ou plutôt un terrible cauchemar. Je refermai mes yeux et revis la scène une seconde fois. J'avais réellement peur, je tremblais vraiment et mon coeur battait aussi vite que lorsque le lapin avait explosé sous mes yeux, dans mon rêve. Je pouvais tout ressentir, c'était aussi réel ... qu'un souvenir. C'était donc cela ; depuis le début, je ne faisais que revivre certains souvenirs ancrés dans ma mémoire. Cela n'avait plus de sens ou encore moins qu'avant. J'étais perplexe et extrêmement confus. Tout cela s'est alors réellement passé ?



“ La reine est le visage du mal au coeur des ténèbres.”



ҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨҨ


Le temps est calme par ici. Vous arpentez le froid et la neige depuis quelques heures, et pourtant, rien ne semble vous perturber. Le château de la Reine Blanche vous fait face, vous décidez d’y entrer. Tout est si … glacial. La robe blanche et la longue chevelure tout aussi pale viennent vous surprendre. La Reine est si belle, tant de beauté pourrait faire peur. Elle vous invite gentiment à vous installer près d’elle, vous acceptez. Assis face à la Reine la plus belle de Wonderland, vos yeux n’ont de cesse de contempler les siens. « Je suis belle n’est-ce pas ? » Elle semble vous hypnotiser. Vous rendre fou. Votre tête pourrait exploser. Ne fermez pas les yeux, elle pourrait mal le prendre. Une main posée sur la votre, elle se rapproche délicatement et souffle à votre oreille. « Voudrais-tu te regarder dans mon miroir ? »




Sa main était douce et gelée ; si elle n'avait pas bougé, on aurait pu croire qu'elle était dépourvue de vie. Sa peau aussi blanche que la neige ne laissait apparaître aucun signe de chaleur; comme s'il n'y avait pas de sang qui coulait dans ses veines. Telle une statue de glace, la Reine Blanche était à la fois attirante et inquiétante. Ce n'était sans nul doute la première personne aussi belle que je croisais à Wonderland et quelque chose me dit qu'elle était la seule qui occupait les froides contrées de Wonderland. Je vins à me demander ce qu'une beauté pareille faisait dans un pays aussi fou et insensé ; puis je me dis qu'elle devait bien cacher son jeu. Elle devait probablement être aussi folle que les autres, bien qu'à l'instant présent, il m'était impossible d'imaginer une telle chose. Pourtant, on parvenait à remarquer qu'elle était très différente de la Reine Rouge et ce n'était pas seulement une histoire de couleur. Non, elle était bien plus belle, bien plus gracieuse, beaucoup moins sanglante. Elle était également plus calme et tranquille; et le silence qui surplombait les lieux accentuait ce côté-ci chez elle. « Voudrais-tu te regarder dans mon miroir ? »
Je n'en avais pas envie, mais d'une certaine manière dont j'ignore encore, elle réussit à me faire accepter sa proposition qui, je dois l'avouer, semblait gentille et innocente. Mais je me méfiais d'elle et elle le remarqua :« Approche, ne crains rien. Voilà, contemple toi. »Je lui souris afin de la rassurer, mais je ne baissai pas ma garde pour autant. Elle avait beau être belle, rien ne me disait que je pouvais lui faire confiance. Après tout, elle vivait à Wonderland et j'avais appris à me méfier de toutes créatures de ce pays. Plongeant mon regard à travers le miroir, j'observai les moindres détails de mon visage. Mes yeux verts foncés contrastaient avec la pâleur de mon visage due sans nul doute à la fatigue que m'avait causé mon aventure. Malgré tous les évènements précédents et mes nombreuses affreuses découvertes, j'étais toujours intact. Je semblais fatigué, mais toujours en bonne santé et surtout, j'avais toujours la tête sur les épaules. J'étais comme le survivant d'une horrible bataille, amoché intérieurement par la fatigue, mais fier et soulagé. J'étais resté digne de mes valeurs depuis le début et quelque part, cela me satisfaisait. A l'instant présent, je me sentais bien et beau. Je plongeai alors davantage mon regard dans le miroir et ... reposai le miroir soudainement dans la main de la Reine Blanche. J'étais alors comme revenu à moi, comme si je venais de reprendre mes esprits alors que j'étais envoûté. C'était le miroir mais c'était elle, surtout. Sa beauté était ensorcelante. Cela aurait pu m'être fatal, mais je m'éveillai à temps. J'adressai un autre sourire à la Reine Blanche et, pour ne pas qu'elle ressente de nouveau ma méfiance, je lui dis :« C'est ... c'est magnifique. »
Elle me sourit amicalement et je me perdis dans mes pensées. Je l'aimais déjà. Je l'admirai ; elle était si belle et semblait si intelligente ... On se ressemblait. Je savais quelque part que mon QI supérieur à la normale ne lui était pas différent, et qu'elle devait être sûrement comme moi.

J'appris quelques temps après m'être installé à ses côtés, dans son château qu'elle était cannibale depuis la mort de Sad Hatter. Choqué par tant de barbarie venant d'un si joli être comme elle, je décidai de quitter le château et commençai à vivre selon mes règles. Libre, j'étais aussi libre qu'un rat dans une cage. Mais j'étais loin du sang, enfin, c'est ce que je pensais.

La mort. Elle vous a pris. Emportée. Dans un monde que vous n’auriez jamais du découvrir. Certains n’auraient jamais voulu venir ici. Et pourtant … Personne n’a choisi d’être ici et encore moins le Sad Hatter. Pourquoi ? Parce qu’il est trop malheureux. On raconte qu’il s’est suicidé. D’autres pensent qu’il a été tué. Mais par qui ? Personne ne sait la véritable histoire. L’avez-vous déjà vu ? C’est bien ce qu’il me semblait. Un chuchotement dans les bois. « N’approchez pas des sables mouvants. » Vous avancez vers le sable, comme irrésistiblement attiré. « N’approchez pas du labyrinthe. » Mais votre instinct vous encourage à y aller. « Ne pénétrez pas mon domaine. » Vous faites face au château délabré du Sad Hatter. Tout est dévasté.




Je suis déjà allé à Wonderland dans le passé. Maintenant, je m'en souviens.

J'avais alors 11 ans et n'était qu'à l'époque un pathétique rêveur. Je n'avais qu'une envie : c'était de m'évader, de m'en aller loin là où personne ne pourrait me déranger. Explorer des contrées lointaines, parcourir des milieux qui me sont inconnues, découvrir des cultures et rencontrer des personnes qui me sont différentes. Surdoué intellectuellement, on m'avait toujours appris à raisonner selon la logique naturelle pour ne pas dériver et emplir mon esprit de choses absurdes. Seulement, un jour, un de mes professeurs particuliers me suggéra une chose, une chose qui changea ma vie : il me conseilla de rêver. Il me dit que la clé du savoir sommeille dans la curiosité et l'imagination. Un véritable savant ne peut être savant s'il ne rêve pas ; s'il ne laisse pas place à son imagination et au désordre insensé que produisent les rêves. La nuit qui suivit, je m'évadais à Wonderland. J'admirai ce pays mystérieux et féerique qui m'était encore inconnu. J'adorai le désordre des choses qu'on pouvait y trouver, et la folie de certains êtres. J'avais rencontré Mad Hatter, aussi fou que maintenant ; et son frère, Sad Hatter. Le célèbre Sad Hatter. Même si, en apparence, il avait l'air de répandre de la tristesse autour de lui; je peux vous assurer qu'il réussissait, par je ne sais quel moyen, à procurer de la joie. Sa perte changea à jamais Wonderland. Tant de souvenirs sont remontés à la surface, des souvenirs que j'avais crus n'être que des rêves, des scènes montées de toute pièce par mon esprit et étant le fruit de mon imagination. Ce n'étaient pas d'horribles souvenirs, le genre de souvenirs qu'on aimerait oublier. Pas du tout ; ils n'étaient des moments merveilleux, ampli de joie, de tristesse parfois, et de folie. C'était le charme de Wonderland et il fallait s'y faire. Je m'y suis fait.


“ Bien peu savent trouver le chemin, et ceux qui le trouvent ne s'en rendent pas compte. ”





Tout n'est que ruine et désordre à présent. Chacun n'en fait qu'à sa tête quand celle-ci est encore sur leurs épaules. Wonderland n'est plus ce qu'il était, et ce, depuis fort longtemps. Depuis la mort de Sad Hatter, l'ordre des choses a changé, ou devrai-je plutôt dire le désordre des choses a changé. Les souvenirs ancrés dans ma mémoire ne sont plus que les restes d'un ancien monde merveilleux, un monde de rêve, un monde appelé Wonderland. Dorénavant, le rêve a laissé place au cauchemar, et je me considère chanceux d'être mort sans trop de souffrances. Je ne suis plus ce que j'étais non plus. J'ai changé; peut être que la folie m'a atteint elle aussi. J'ai toujours ma tête, mais pour combien de temps encore ? Dois-je renoncer à la raison ? A l'espoir d'un jour nouveau ? Jamais. Aussi fou qu'un être puisse l'être, je ne cesserai de croire à un changement. La fin est proche pour Wonderland, et nous devons nous battre. Espérer n'est pas absurde. Rien ne l'a jamais aux Pays des Merveilles.




“ Mais certaines vérités justifient les souffrances. Le pays des merveilles amoché reste dans ton coeur ... pour l'instant. ”