- Oh, taboulet !

Prisme leva les yeux au ciel, courroucée par cette habitude qu'avait Zenithia de dire taboulet pour un oui ou pour un non. Cette dernière venait de faire tomber une lime sur le sol de métal froid et, comme à chaque fois qu'elle commettait une bourde, son mot fétiche avait franchi la barrière de ses lèvres roses. Aussi, lorsque la lime, assez loin du sol du fait que Zen était perchée sur une échelle, toucha le métal et produisit un bruit affreusement insupportable, Prisme se retourna vivement et réprimanda fortement sa complice :

- Bon sang, Zen, tu veux nous faire remarquer ou quoi ? Tiens toi tranquille et fais attention, murmura-t-elle.

Les deux jeunes femmes étaient en plein cambriolage chez un grand bourgeois de la ville pour le compte de leur gangster. Prisme, aussi surnommée "Main de velours" par ses confrères, regarda Zenithia qui était en train de loucher sur une pince, essayant sans doute de comprendre son fonctionnement en tirant sur chacun de ses bouts. Parfois, elle se demandait comment Zen avait pu être admise dans le gang. En dépit de son idiotie et de ses manières maladroites, le Boss avait rétorqué «C'est une fille prometteuse, il faut juste l'entrainer un peu». L'entrainer un peu, l'entrainer un peu, il en avait de bonnes le Boss. Comment pouvait-on entrainer cette fille là, bête comme elle l'était. Prisme reprit son travail sans plus se soucier de sa compagne qui continuait à examiner les outils comme s'ils avaient été des trucs venus d'une autre planète. Mais alors que Prisme allait doucement retirer le morceau de vitre qu'elle venait de couper, un fracas hallucinant retentit tout près d'elle. Zenithia venait de faire tomber tous les outils sur le sol. Elle allait déverser sa rage sur la jeune écervelée lorsque des bruits de voix et de course se firent entendre. La jeune fille aux "mains de velours" descendit rapidement de son échelle suivit de Zenithia, ramassa rapidement les outils et s'enfuie en courant, sa complice dans son sillage.

- Nom d'un taboulet, Prisme, pourquoi on court ? demanda Zen lorsqu'elles eurent atteint l'entrée de la cache de leur gang.

Prisme maitrisa sa colère du mieux qu'elle pouvait mais ne put s’empêcher de crier après la jeune femme blonde.

- Parce-que tu nous a fait remarquer, imbécile. Tu n’es qu'une catastrophe ambulante, Zenithia. Heureusement qu'on s'est pas fait prendre parce que je t'aurais tuée, sois en sure. Et puis arêtes avec ce mot là, "taboulet", ça commence à devenir chiant.

Prisme avait débité tous ses mots sans reprendre son souffle. Elle inspira donc un grand coup afin de recharger ses poumons de l'air qu'ils avaient perdu. Zenithia, quant à elle, la regardait, sans rien comprendre, comme d'habitude. Au bout d'un long moment ou Prisme sentit sa colère monter un peu plus devant la mine extasiée de Zenithia, cette dernière dit une chose totalement idiote qui mit Prisme en ébullition.

- T'es fâchée, Prisme ?

- Bien sur que je suis fâchée, crétine, répondit la fille aux "mains de velours.

- Oh, taboulet ! rétorqua encore une fois Zenithia.

La colère monta en Prisme, toujours plus haut, mais finit par redescendre, lentement mais surement. La jeune fille prit Zenithia par le bras et elles entrèrent à l'intérieur du vieil entrepôt qui servait de QG à leur gang.

- Alors, fit une voix douce et mélodieuse derrière elles. On revient les mains vides ?

Ouhlala, Prisme connaissait cette voix, sinistre et magnifique à la fois. Elle se retourna. Devant elle se tenait un jeune homme de vingt-cinq ans environ. Le Boss, de son vrai nom, Ludvick. De haute taille, il dépassait tout le monde d'une bonne tête. Ses cheveux courts et bruns étaient relevés en piques sur sa tête et ses yeux gris, presque blancs, brillaient de colère. Zenithia quant à elle, n'avait pas l'air effrayée, à l'opposé de Prisme qui, elle, tremblait presque et était terrifiée.

- C'est à cause de Zenithia. Elle a fait tomber la caisse à outil et nous a fait poursuivre, débita-t-elle a une telle vitesse que le Boss eut bien du mal à comprendre. On devrait la . . . "congédier", Boss. Elle risque de nous faire enfermer un jour. Je . . .

Soudain, des sirènes se firent entendre à l'extérieur.

- Et merde, ils nous ont suivis, jura Prisme. Toi, tu vas le payer, ajouta-t-elle en se ruant sur Zenithia qui ne comprenait rien.

Elle fut stoppée net par la poigne de fer de Ludvick. Elle tenta de se dégager, en vain.

- Laisses-là, ordonna-t-il d'une voix dure.

- Mais on doit l'éliminer avant de partir. Si on la laisse ici en vie, idiote comme elle est, elle dévoilera tout à la police. Et si on l’emmène, on va finir par se faire prendre avec toutes ses idioties.

Ludvick se gratta le menton d'un air pensif. Voilà longtemps qu'il n'avait plus tué personne. Lui qui était un ancien assassin, ça lui manquai toutes les souffrances qu'il faisait endurer. Et puis, Prisme n'avait pas tort. Cette Zenithia était un problème. Qu'il allait vite éliminer. La jeune écervelée comprit trop tard ce qui lui arrivait. La main de fer du jeune homme la saisit à la gorge et serra de toutes ses forces.

- Désolé Zen, dit-il tandis que la vie s'échapper de cette dernière.

Et dans un dernier souffle, Zen mourut. Sa tête bascula sur le coté et heurta lourdement le sol de béton.