Mes yeux s’ouvrirent en grand. Je restai un instant silencieux, écoutant la respiration d’Andrew dans le lit non loin du miens. Il faisait nuit. Pourquoi étais-je réveillé ? Je passai mes mains sur mon visage et une odeur me piqua le nez. J’eus un haut le cœur. Je me levai rapidement et courus vers les toilettes. Essuyant mon visage d’une main, j’allais m’appuyer contre un lavabo. Crachant ce qui me restait dans la bouche j’allumai la lumière. J’étais rouge. Couvert de sang séché. Sang qui n’était pas le mien. Elle y était retournée. Dans cette rivière. Cette rivière de… sang. Je me retournais vers la cuvette. Tremblant, je me jetai sous la douche et passai une longue demi-heure à me laver. Bien que propre, je sentais encore cette odeur ferreuse. Mon palais était imbibé d’un goût horrible. Retournant dans la chambre, je restai un instant immobile. Comment avait-elle osé ? Je lui avais pourtant dit clairement. Je ne supportais pas de me réveiller ainsi. Récemment, chaque remarque ne faisait qu’empirer les choses. Elle semblait s’assurer de faire tout ce que je lui interdisais. Ma patience avait des limites. Et elle commençait à les atteindre. Je ne savais pas jusqu’à quel moment je serais capable de la pardonner.

Une serviette autour de la taille, mon regard se posa sur Andrew. Il semblait si serein. Je n’arrivais pas. À être dans ce monde. Il ne s’agissait que d’un cauchemar. Ce genre de cauchemars dont je ne me réveillerais jamais. Peut-être Eleanor avait-elle raison : peut-être étions-nous morts. Après tout. Cela faisait si longtemps que nous nous trouvions dans ce monde. Si c’était le cas, j’étais mort. À cause d’elle. Non. Je secouai la tête. J’enfilai un pantalon et sortis de la pièce. Les couloirs étaient déserts. Mais il y avait quelque chose dans l’air. Quelque chose de terrifiant. Quelque chose… je ne savais trop comment le décrire. Mais il n’était pas rare que je me réveillasse la nuit. Les bruits qui montaient jusqu’à notre chambre… Je sursautai en entendant une voix. Je resserrai mon emprise sur ma vorpal blade. Les jambes pliées, prêtes à courir, j’attendis. Après quelques secondes, une ombre se dessina et un rire résonna. Un homme passa à mes côtés, dansant et chantant. Je me détendis. Accélérant le pas, je descendis l’escalier. Sur le carrelage immaculé se trouvait une traînée rouge. Elle menait de la porte d’entrée jusqu’aux cuisines. Je frissonnais. Je posais une main sur mon visage, m’assurant de ne pas respirer l’odeur sanguinaire. Je ne la supportais plus. J’entrai dans le salon de thé et m’empressa de fermer la porte.

La pièce semblait vide. Étrange. Mes pieds ne faisaient aucun bruit sur le sol. Je me dirigeai vers l’armoire au fond de la pièce. Serrant toujours ma vorpal blade dans la main. Une fois le thé fait, je m’assis à une table. Je posai la lame et me pris la tête dans les mains. Inspirant profondément, je m’adossais à la chaise. En quelques gorgées, je bus toute ma tasse et me sentis immédiatement mieux. Je me resservis. J’entendis des pas. Ma lame se retrouva dans la main. Je m’étais levé. Prêt à affronté n’importe quel danger. On approchait. Je finis par distinguer une silhouette féminine. Hestia. Je baissai ma garde. Elle m’aiderait. Elle m’aiderait à penser à autre chose. Je le savais. Je me rassis avec un sourire. Me rendant compte que je n’étais vêtu que de mon pantalon, je croisai les bras sur mon torse. Elle se servit et vint s’asseoir. Je restai silencieux un moment.

« Santé, » annonçais-je, levant mon verre avec un sourire en coin.