Un oiseau s’approche. Vous vous retrouvez au creux de racines larges appartenant à un arbre immense. Il semble plus robuste que jamais. L’oiseau continue de s’approcher et vous vous relevez en contemplant les environs. L’oiseau est si petit que vous finissez par le perdre de vue alors qu’il arrive à seulement quelques centimètres de vous. Puis soudainement, un lapin blanc se matérialise devant vous. Il a de longues oreilles, son pelage est d’un blanc éclatant. Il porte une veste de costume bleu et sort une montre à gousset d’une petite poche avant de s’exclamer : « Nom d’une horloge ! Nous sommes en retard ! » Ni une ni deux, il vous prend par la main et vous emmène jusqu'à une porte avant de vous poussez pour la passer. Vous êtes à présent seul face à une table immense et l’on semble vous attendre. « Vous êtes en retard pour le thé ! Asseyez-vous ! »

Qui aurait pu croire qu'un lapin blanc aussi mignon soit-il, parvienne à attirer à ce point mon attention. Était-ce car j'avais toujours été une fan des lapins et que je me fichais d’où il pourrait m'emmener ? Je l'ignore, je me souviens juste que je cherchais un ami ce jour là, je me sentais perdue et le froid me vrillait les tympans. Quelle erreur de vouloir fuguer, j'en avais bien conscience, mais c'était trop tard, je ne pouvais plus revenir sur mes pas, j'avais fais mon choix. Suis-je morte ? Suis-je en train de rêver ? Encore une question qui me pose bien du soucis. J'avais bien entendu le lapin parler, je l'avais toujours dis, je ne suis pas folle, non, je sais ce que je vois et ce que j’entends. Pourquoi personne ne me croit jamais ? C'est alors qu'il est venu me prendre la main, je ne comprenais plus rien, à vrai dire, qui parviendrait à y comprendre quelque chose fasse à une vision si rocambolesque ? Poussée par la porte, je me suis retrouvée face à une étrange tablée ou un homme aux couleurs flamboyantes m'est apparue. Son haut de forme était intriguant, mais c'était loin d'être aussi surprenant que ce qui m'attendait. Le thé ? il voulait me faire boire du thé ? M'asseyant, je tentais de me réveiller. Me pinçant une première fois, une douleur bien visible se mit à m'élancer au niveau du bras. J'étais donc bien là ou je semblais me voir être ? Regardant alors autour de moi, j'étais à la fois terrorisée et émerveillée. Ce monde avait toute les qualités qu'une fille de son age et dans sa situation, aurait toujours rêvé d'avoir... ou devrais-je dire ville ? je ne sais pas. Ma curiosité maladive avait un effet apaisant sur moi, peut-être était-ce du à mon côté "m'en fou de tout".

Votre parcours est semé d’embuche et vous voilà face au célèbre Mad Hatter dont on vous a tant parlé. Il est bien plus grand que vous ne l’imaginiez et semble bien plus fou encore. Il lève son large chapeau de sa tête pour vous saluer avant de vous attraper, petite larve que vous êtes, dans sa main trop immense pour y échapper. Ses yeux se plissent, il vous dévisage. « Que viens-tu faire ici ? » Son étreinte se resserre. Il pourrait vous broyer en quelques secondes s’il le voulait. « Est-ce toi qui a tué mon frère ? »

Wouaaa non mais il a pété un câble ou quoi ? Je me souvenais qu'il était un peu plus joyeux que ça par le passé. Par le passé ? Oui enfin tout est relatif, en tout cas je suis obligée de lever la tête pour mieux le voir. Ah non, pardon, il vient de régler mon problème en me soulevant comme un sac à patates. Une moue désapprobatrice sur le visage, j'aurais du être effrayée, mais mes yeux se contentaient de se poser sur lui alors qu'il venait me saisir de sa poigne de fer. Mes yeux regardèrent alors la distance qui me séparait du sol, avant de reporter mon attention sur lui, penchant la tête sur le côté d'un air intriguée. Qu'est-ce que je faisais ici ? Et bien s'il avait la réponse, j'aurais adoré la connaitre. Depuis le temps que j'étais ici désormais, mes souvenirs se mélangeaient à ceux que je fabriquais de toute pièce et il m'était incapable de faire la distinction entre la réalité et mon esprit qui était totalement à l'ouest. " Vous êtes grincheux aujourd'hui, enfin, pas plus que d'habitude en fait je crois, bien qu'un peu plus sévère qu'on me l'avait fait comprendre...", Lola était en sommeil, je pouvais donc être tranquille et m'entendre penser. "Je suis ici par... en fait c'est un lapin qui m'a trainée jusqu'ici, et vous ?", très calme je semblais aussi détendue que précédemment. J'pouvais mourir ou non, à quoi bon se prendre la tête. Après tout on était plus à ça près. Oui Lola aussi avait des envies suicidaires, on s'accompagnait dans notre souffrance. Resserrant son étreinte, je savais qu'il pouvait me détruire d'un coup de main, et c'était le cas de le dire. Grimaçant, je continuais cependant de le fixer, plissant à mon tour les yeux pour prendre un air grave en approchant mon visage du sien "Vous n'auriez pas pris une petite ride ?" son air féroce venant de s'intensifier, je repris un air plus léger avant de conclure sur un ton neutre "Pourquoi j'aurais tué votre frère ? Y'a plus intéressant à tuer dans le coin non ? J'suis vraiment désolée pour vous cependant, mais j'peux rien faire pour votre malheur." à vrai dire j'aurais pu me foutre encore un peu de lui comme je savais si bien le faire, mais si je me faisais tuer je ne pourrais plus emmerder personne. Il me balança alors sur la chaise et j’eus le loisir de prendre ma tasse de thé.

L’eau est si rouge par ici. Tout cela est bien étrange. Vous entendez crier derrière vous et vous retourner. Une tête et un nez énorme vous font face. « Coupez-lui la tête ! » Du sang vient gicler provenant de la main de la Reine Rouge pointant son doigt crochu sur vous. Ses sbires ne tardent pas à arriver. Pris de stupeur vous tomber dans les eaux troubles de la rivière de sang et vous évanouissez dans votre dérive. Les cauchemars vous submergent. Assis dans une barque avec le lapin blanc, une tasse de thé à la main, tout semble pourtant bien se passer, jusqu’à ce que l’eau redevienne rouge et que la tête du lapin blanc explose en mille morceaux. Vous êtes happé par les eaux et vous retrouvez au dernier endroit que vous avez foulé avant votre arrivée à Wonderland.

Vivre ou mourir il faut choisir. J'avais choisi de vivre, mais peut-être que l'idée que j'avais eu n'avait pas été la bonne. Vous savez, quand on a l'impression de ne pas exister malgré son reflet dans la glace, on a tendance à se demander si la limite entre le bien et le mal est si grande. Il ne m'aurait pas fallu grand chose pour mettre fin à mes jours, mais j'avais plus intéressant en tête. Des souvenirs en masse, une constriction au niveau de la gorge, je ne pouvais plus respirer. La panique m'envahissait, un froid glacial m'encerclait tel un drap dans lequel on ne parvient pas à se dérouler. J'étais tombée dans un lac et avait brisé la glace sous mon poids. J'étais en Russie à cette époque. Quoi mon nom de famille ne vous avez pas encore fait tilter un minimum ? Je peux vous assurer que mourir noyer est une des pires expériences de ma vie. Le temps de pouvoir remonter à la surface, la glace s'était reformée au-dessus de moi et je n'pouvais plus la briser. Retenant mon air, je voyais ma petite vie insignifiante défiler devant mes yeux. Toute les méchancetés que j'avais pu faire me revenait en pleine face. Frappant contre le mur de glace, je criais de toute mes forces, espérant que quelqu'un m'entende, mais à la place, je sentit mes poumons se réduire et accueillir l'eau. Je suffoque, puis finalement le néant. C'était comme si une petite erreur, une simple envie de liberté avait réussi à me couter le plus cher à mon coeur ; l'envie de découvrir le monde autrement qu'à travers les yeux d'un orphelinat. C'est ainsi que je suis morte, emportée par les flots et ne manquant à personne. La voix dans ma tête est apparu peu après mon arrivée à Wonderland. Je l'ai appelé Lola, car j'ai l'impression qu'elle est ce que j'étais au paravent. Vous savez quand je disais avoir voulu l'enfermer en moi ? Ici, j'ai la sensation qu'elle se développe en moi. Et devinez quoi ? Vous allez en baver, car même si la mort est une étape tendancieuse, j'ai bien envie de me venger sur vous.

Le temps est calme par ici. Vous arpentez le froid et la neige depuis quelques heures, et pourtant, rien ne semble vous perturber. Le château de la Reine Blanche vous fait face, vous décidez d’y entrer. Tout est si … glacial. La robe blanche et la longue chevelure tout aussi pale viennent vous surprendre. La Reine est si belle, tant de beauté pourrait faire peur. Elle vous invite gentiment à vous installer près d’elle, vous acceptez. Assis face à la Reine la plus belle de Wonderland, vos yeux n’ont de cesse de contempler les siens. « Je suis belle n’est-ce pas ? » Elle semble vous hypnotiser. Vous rendre fou. Votre tête pourrait exploser. Ne fermez pas les yeux, elle pourrait mal le prendre. Une main posée sur la votre, elle se rapproche délicatement et souffle à votre oreille. « Voudrais-tu te regarder dans mon miroir ? »

Le froid et la neige ont toujours fait partie de moi alors pourquoi être perturbée par eux ? Je voyais ce magnifique château face à moi devenir de plus en plus proche au fur et à mesure que j'approchais, et je n’eut de cesse de le contempler que lorsque la reine m’accueillit à l'intérieur. Une beauté que peu connaisse. Son tein pale était si étincelant, ses lèvres rouges se conjuguaient parfaitement avec la perfection qu'elle était. Je l'enviais, mes yeux perdus dans les siens, je ne parvenais pas à la quitter des yeux, j'étais comme perdue dans une abysse profonde dans laquelle je ne voulais pas partir. Fermer les yeux ? En aucun cas, pourquoi vouloir refuser à son regard une telle douceur, une telle perfection ? Sa main sur la mienne, l'atmosphère glaciale ne me dérangeait pas, au contraire, je me sentais presque comme chez moi, mais quelque chose me dérangeait sans que je ne parvienne à dire ce qui me gênait. A ses paroles, un sourire presque bête accompagna ma réponse : "Vous êtes magnifique." la contempler devenait une obsession, une chose qu'il me fallait pour me sentir apaiser, pour me sentir bien. Quand elle me proposa son miroir, mes yeux devinrent joyeux et j'acceptais avec plaisir. Me le tendant, mes traits apparurent alors dans ce reflet si beau, si calme. Je me voyais pour la première fois depuis longtemps, m'approchant de celui-ci, je touchais ma peau, comme si je la découvrais pour la première fois, je me perdais dans mon image. Pourtant je ne me trouvais pas aussi jolie qu'elle, la couleur de ma peau était terne, et rien ne me rendait aussi étincelante qu'elle, ce fut dans cette optique que j'arrivais à détourner mon regard de son miroir et de sa beauté incontestable.

La mort. Elle vous a pris. Emportée. Dans un monde que vous n’auriez jamais du découvrir. Certains n’auraient jamais voulu venir ici. Et pourtant … Personne n’a choisi d’être ici et encore moins le Sad Hatter. Pourquoi ? Parce qu’il est trop malheureux. On raconte qu’il s’est suicidé. D’autres pensent qu’il a été tué. Mais par qui ? Personne ne sait la véritable histoire. L’avez-vous déjà vu ? étiez-vous à Wonderland avant la mort du Sad Hatter. C’est bien ce qu’il me semblait. Un chuchotement dans les bois. « N’approchez pas des sables mouvants. » Vous avancez vers le sable, comme irrésistiblement attiré. « N’approchez pas du labyrinthe. » Mais votre instinct vous encourage à y aller. « Ne pénétrez pas mon domaine. » Vous faites face au château délabré du Sad Hatter. Tout est dévasté.

Je suis ici depuis plusieurs années maintenant, ma folie n'a de cesse d'augmenter et pourtant je me sens moi-même. Je me sens aussi bien que je n'aurais jamais pu l'être dans ma vie passée. J'étais présente avant la mort du Sad Hatter, tout était si différent à cette période. Les fleurs magnifiques ont laissé place à des ronces, et le soleil a laissé placé à la nuit. J'ignore comment je prend les choses, car à vrai dire j'ai moi aussi l'impression de changer avec Wonderland. Me droguant sous diverse forme, les mélanges de thé m'ont retournée le cerveau et je ne sais plus ce qui fait la réalité et ce qui au contraire fait ma folie. La mort a envahit notre monde, oui, je dis notre, car je me considère à présent comme une part de lui. Nos émotions sont le reflet de ce monde et à la différence de la reine blanche qui se trouve si belle, moi, je me sens si triste. Le sourire m'a quitté, seul quelques sourires peu vrais font encore office d'éclairage pour mon visage. J'ai des idées noires, je vois la vie comme un terrain de jeu et je deviens aussi malsaine que Wonderland. Cependant, j'arrive encore à distinguer ce que je suis et ce que je deviens. Être ou ne pas être, j'ai décidé d'être tout en arrêtant d'être, je ne vie plus ma vie, je rêve ma vie, et ce, comme la plupart des gens de ce pays. Le chaos ne me dérange plus, en fait je le trouverais presque agréable avec le temps, mais parfois un ton joyeux me manque. Moi aussi j'ai ma madeleine de Proust et certains objets réactivent de bons souvenirs que je pensais éteins à jamais. Que croire ? Que percevoir ? Je me laisse le tant de le découvrir, et vous, voulez-vous me découvrir ?